Clémentine-Hélène Dufau, une artiste à redécouvrir

L’Atelier du Temps Passé vient de restaurer une oeuvre de l’artiste Clémentine-Hélène Dufau (1869-1937), peintre, affichiste, illustratrice et décoratrice. Ce nu délicat, baigné d’une lumière vive et diffuse, peint à l’huile sur toile, est caractéristique du travail de l’artiste, engagée en son temps pour la défense des droits des femmes.

Une artiste reconnue
Clémentine-Hélène Dufau est née dans le sud-ouest de la France en 1869. Très jeune, elle connaît des problèmes de santé qui la contraignent à rester allongée chez elle. Pour tromper l’ennui, elle commence à dessiner. Cette passion l’anime. Elle décide donc d’en faire son métier. 
En 1889, un an après son entrée à l’Académie Julian dans l’atelier de William Bouguereau (1825-1905), Clémentine-Hélène, qui n’a alors que vingt ans, expose ses œuvres pour la première fois au Salon des Artistes Français. Elle obtient le prix Marie Bashkirtseff pour sa toile Ricochets en 1895 et une médaille de deuxième classe en 1902 pour son œuvre L’Automne. Sa carrière est lancée. Créatrice d’affiches et dessinatrice, elle devient une artiste reconnue par la presse féminine, et est régulièrement citée dans les journaux aux côtés de peintres masculins. 
 
Des commandes prestigieuses
Quelques années plus tard, l’État français lui commande des panneaux décoratifs pour les salles des sciences (Astronomie-mathématiques, Radioactivité-magnétisme, Zoologie, Géologie) de l’Université de la Sorbonne. L’artiste côtoie aussi Edmond Rostand et se lie d’amitié avec sa famille. L’écrivain lui propose de participer à la décoration de sa célèbre villa Arnaga située à Cambo-les-Bains. 
Preuve de la reconnaissance que lui portent ses pairs et la critique, cette commande permet à Clémentine-Hélène Dufau de bénéficier de réseaux et de soutiens importants à l’époque. En 1909, sa notoriété lui vaut d’être décorée du titre de chevalier de la Légion d’Honneur.
 
Retraite à Antibes et ouvrage testament
Après la guerre, le travail de l’artiste, moins soutenu par la critique, tombe peu à peu dans l’oubli. Elle s’installe à Antibes en 1926 et aborde le dessin sous un angle plus moderne. L’artiste rédige un ouvrage testament Les trois couleurs de la lumière publié en 1932. Dans ce dernier, elle s’intéresse aux questions scientifiques des fréquences de la couleur et des résonances. 
Clémentine-Hélène Dufau, Portrait de l'artiste, 1911, Huile sur toile, Musée d'Orsay (Paris)
Clémentine-Hélène Dufau, Baigneuse, début du XXe siècle, Huile sur toile, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux
Une figure féministe 
Figure majeure du début de la lutte pour l’égalité des sexes, elle défend la place des femmes dans la pensée métaphysique et réfléchit à une possible pensée « féminine » et « unificatrice ». L’artiste s’oppose fermement à la condition de la femme de l’époque, en défendant ses droits et en affirmant sa volonté d’émancipation. Elle publie le manifeste Pro femina dans lequel elle dénonce les violences subies par les femmes et prône l’égalité des sexes.  

En 1898, Marguerite Durand (1864-1934) lui propose de dessiner l’affiche de lancement du journal féministe La Fronde, sur laquelle des femmes de toutes classes sociales, regardent dans la même direction, vers l’avenir. 

(Sources : Musée des Beaux-Arts de Bordeaux – https://www.musba-bordeaux.fr/fr/clementine-helene-dufau-histoire-artiste-engagee)

Avant restauration
Après restauration

Le nu restauré à l’atelier

Pour redonner à ce nu son éclat et sa vibration, de nombreux défis attendaient nos restauratrices. Les travaux conservatifs suivants ont d’abord été nécessaires, pour consolider le support :
> pose de facing
> dépose du châssis
> nettoyage complet du revers
> remise en planéité générale avec table chauffante basse pression
> incrustation sur lacune et fil-à-fil sur les déchirures
> pose de bandes de tensions
> nettoyage et cirage du châssis
> remplacement des clés défaillantes
> remontage sur châssis 

La restauration s’est achevée par la partie esthétique proprement dite :
> tests de sensibilité
> décrassage
> traitement des vernis
> dégagement des surpeints (qui ont permis de dévoiler le miroir, tenu par la main gauche de la figure)
> comblements et réintégrations
> vernissage
> et choix d’un cadre sur mesure